Voici les 3 poèmes de PONGE étudiés en classe:
Le pain
La surface du pain est merveilleuse
d'abord à cause de cette impression quasi panoramique
qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition
sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère
des Andes. Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer
fut glissée pour nous dans le four stellaire, où
durcissant elle s'est façonnée en vallées,
crêtes, ondulations, crevasses… Et tous ces plans
dès lors si nettement articulés, ces dalles
minces où la lumière avec application couche
ses feux, - sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente.
Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a
son tissu pareil à celui des éponges : feuilles
ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées
par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit
ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles
se détachent alors les unes des autres, et la masse
en devient friable… Mais brisons-la : car le pain doit
être dans notre bouche moins objet de respect que
de consommation.
Francis Ponge, Le Parti-pris des choses,
1942La bougie
La nuit parfois ravive une plante singulière dont la lueur décompose les chambres meublées en massifs d'ombres.
Sa feuille d'or tient impassible au creux d'une colonnette d'albâtre par un pédoncule très noir.
Les papillons miteux l'assaillent de préférence à la lune trop haute, qui vaporise les bois. Mais brûlés aussitôt ou vannés dans la bagarre, tous frémissent aux bords d'une frénésie voisine de la stupeur.
Cependant la bougie, par le vacillement des clartés sur le livre au brusque dégagement des fumées originales encourage le lecteur, — puis s'incline sur son assiette et se noie dans son aliment.
Francis Ponge, Le Parti-pris des choses, 1942
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