Catégories

jeudi 5 mars 2015

Séance 4 : La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Jean Giraudoux

Date :
Séance 4 : La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Jean Giraudoux


Objectifs : - Étudier la reprise d’un mythe antique – Comprendre l'absurde – Etude des attributs du COD

Ce texte est un extrait d’une pièce de Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n’aura pas lieu, écrite en 1935. La scène se situe sur les terrasses du palais de Troie. Les Troyens attendent une délégation grecque, venue chercher des explications au sujet de l’enlèvement d’Hélène par Pâris. Hélène se promène et toute la ville l’admire. Sont présents sur la scène : Priam et son épouse Hécube, Hector et Pâris, leurs fils, la devineresse Cassandre, Demokos, le poète nationaliste ainsi que le Géomètre.


Texte : La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Jean Giraudoux acte I, scène 6, de « PRIAM. - Tu la vois ? » à « HECUBE. - Il pleure, l’idiot. »

PRIAM. – Tu la vois ?
HECTOR. – Oui… Et après ?
DEMOKOS. – Priam te demande ce que tu vois !
HECTOR. – Je vois une femme qui rajuste sa sandale.
CASSANDRE. – Elle met un certain temps à rajuster sa sandale.
PÂRIS. – Je l’ai emportée nue et sans garde-robe. Ce sont des sandales à toi. Elles sont un peu grandes.
CASSANDRE. – Tout est grand pour les petites femmes.
HECTOR. – Je vois deux fesses charmantes.
HÉCUBE. – Il voit tout ce que vous tous voyez.
PRIAM. – Mon pauvre enfant !
HECTOR. – Quoi ?
DEMOKOS. – Priam te dit : pauvre enfant !
PRIAM. – Oui, je ne savais pas que la jeunesse de Troie en était là.
HECTOR. – Où en est-elle ?
PRIAM. – À l’ignorance de la beauté.
DEMOKOS. – Et par conséquent de l’amour. Au réalisme, quoi ! Nous autres poètes appelons cela le réalisme.
HECTOR. – Et la vieillesse de Troie en est à la beauté et à l’amour ?
HÉCUBE. – C’est dans l’ordre. Ce ne sont pas ceux qui font l’amour ou ceux qui sont la beauté qui ont à les comprendre.
HECTOR. – C’est très courant, la beauté, père. Je ne fais pas allusion à Hélène, mais elle court les rues.
PRIAM. – Hector, ne sois pas de mauvaise foi. Il t’est bien arrivé dans la vie, à l’aspect d’une femme, de ressentir qu’elle n’était pas seulement elle-même, mais que tout un flux d’idées et de sentiments avait coulé en sa chair et en prenait l’éclat ?
DEMOKOS. – Ainsi le rubis personnifie le sang.
HECTOR. – Pas pour ceux qui ont vu du sang. Je sors d’en prendre.
DEMOKOS. – Un symbole, quoi ! Tout guerrier que tu es, tu as bien entendu parler des symboles ! Tu as bien rencontré des femmes qui, d’aussi loin que tu les apercevais, te semblaient personnifier l’intelligence, l’harmonie, la douceur ?
HECTOR. – J’en ai vu.
DEMOKOS. – Que faisais-tu alors ?
HECTOR. – Je m’approchais et c’était fini… Que personnifie celle-là ?
DEMOKOS. – On te le répète, la beauté.
HÉCUBE. – Allez, rendez-la vite aux Grecs, si vous voulez qu’elle vous la personnifie pour longtemps. C’est une blonde.
DEMOKOS. – Impossible de parler avec ces femmes !
HÉCUBE. – Alors ne parlez pas des femmes ! Vous n’êtes guère galants, en tout cas, ni patriotes. Chaque peuple remise son symbole dans sa femme, qu’elle soit camuse ou lippue. Il n’y a que vous pour aller le loger ailleurs.
HECTOR. – Père, mes camarades et moi rentrons harassés. Nous avons pacifié notre continent pour toujours. Nous entendons désormais vivre heureux, nous entendons que nos femmes puissent nous aimer sans angoisse et avoir leurs enfants.
DEMOKOS. – Sages principes, mais jamais la guerre n’a empêché d’accoucher.
HECTOR. – Dis-moi pourquoi nous trouvons la ville transformée, du seul fait d’Hélène ! Dis-moi ce qu’elle nous a apporté, qui vaille une brouille avec les Grecs !
LE GÉOMÈTRE. – Tout le monde te le dira ! Moi je peux te le dire !
HÉCUBE. – Voilà le Géomètre !
LE GÉOMÈTRE. – Oui, voilà le Géomètre ! Et ne crois pas que les géomètres n’aient pas à s’occuper des femmes ! Ils sont les arpenteurs aussi de votre apparence. Je ne te dirai pas ce qu’ils souffrent, les géomètres, d’une épaisseur de peau en trop à vos cuisses ou d’un bourrelet à votre cou… Eh bien, les géomètres jusqu’à ce jour n’étaient pas satisfaits de cette contrée qui entoure Troie. La ligne d’attache de la plaine aux collines leur semblait molle, la ligne des collines aux montagnes du fil de fer. Or, depuis qu’Hélène est ici, le paysage a pris son sens et sa fermeté. Et, chose particulièrement sensible aux vrais géomètres, il n’y a plus à l’espace et au volume qu’une commune mesure qui est Hélène. C’est la mort de tous ces instruments inventés par les hommes pour rapetisser l’univers. Il n’y a plus de mètres, de grammes, de lieues. Il n’y a plus que le pas d’Hélène, la portée du regard ou de la voix d’Hélène, et l’air de son passage est la mesure des vents. Elle est notre baromètre, notre anémomètre ! Voilà ce qu’ils te disent, les géomètres.
HÉCUBE. – Il pleure, l’idiot.




La reprise d’un mythe antique :

1- a) Quel grand texte épique de l’Antiquité raconte la guerre de Troie ? J'entoure la bonne réponse : L’Odyssée – L’Iliade - L’Énéide
b) Hélène est-elle : grecque – troyenne – perse ?
c) Pourquoi se trouve-t-elle à Troie ?





2- a) Que désigne l’expression employée par Hector : « une brouille avec les Grecs » (l. 48) ? Quelle en serait la cause ?







b) Parmi les personnages présents, Hector veut rendre Hélène aux Grecs afin d’éviter la guerre. Je relève une phrase qui le montre.







c) Pour quelles raisons les autres personnages veulent-ils garder Hélène à Troie ?





3- a) J'observe le titre de la pièce : La Guerre de Troie n’aura pas lieu. En quoi ce titre souligne-t-il l’aspect tragique de la pièce ?






b) « Ce sont des sandales à toi. » (l. 6) « Je vois deux fesses charmantes. » (l. 9) « Il pleure, l’idiot. » (l. 53) Dans ces phrases, le registre de langue employé par les personnages me semble-t-il correspondre à ce que j'attends d’une tragédie ? Je justifie.










c) Dans les attitudes ou les paroles des personnages présents, je repère un exemple d’effet comique.






d) Giraudoux écrit sa pièce en 1935. En quoi le thème de la guerre de Troie est-il particulièrement d’actualité en Europe à ce moment-là ?





Cours :

La reprise des mythes antiques dans le théâtre contemporain.

Dans la première moitié du XXe siècle, certains auteurs font appel aux mythes grecs qu’ils
transposent dans leur époque. La Machine infernale (1933) de Jean Cocteau ou Antigone
(1944) de Jean Anouilh puisent leur inspiration dans le mythe d’Œdipe. La reprise des mythes antiques leur permet d’exprimer les angoisseset les inquiétudes nées des événements tragiques (guerres, remise en cause des valeurs humanistes).
Dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Jean Giraudoux donne une version personnelle du déclenchement de la guerre de Troie. Mais la réécriture qu’il en propose se teinte d’humour et de familiarité, mêlant ainsi tragique et comédie.
Analyser la figure d’Hélène

1- a) Pour Priam et Demokos, que symbolise Hélène ?




b) Quel synonyme de « symboliser » est employé dans le texte ?


c) Parmi les personnages masculins de la scène, lequel n’est pas vraiment séduit par Hélène ? Je justifie.



d) « Tout est grand pour les petites femmes. » (l. 8) Que nous apprend cette phrase de Cassandre sur la manière dont elle considère Hélène ?



2- a) Quelle phrase d’Hector nous apprend que toute la cité troyenne a été bouleversée par l’arrivée d’Hélène ?





L’attribut du COD : emplois et accords

1- « Dis-moi pourquoi nous trouvons la ville transformée[…] ? » (l. 37)
a) J'encadre le mot auquel se rapporte le terme « transformée ».
b) Quelle est la fonction du mot que j'ai encadré ?

c) Je réécris cette phrase en remplaçant « la ville » par le pronom personnel qui convient.
Le mot « transformée » est-il toujours exprimé ?





2- « Je l’ai emportée nue[…] » (l. 6)
a) J'encadre le COD dans la phrase.
b) J'explique l’accord de l’adjectif qualificatif « nue »







COURS :

L’attribut du COD : emplois et accords.

L’attribut du COD est une fonction qui exprime une caractéristique du COD :
Priam trouve Hélène (COD) séduisante (Att. du COD).
L’attribut du COD fait partie du groupe verbal et non du COD : à la différence de l’adjectif épithète, l’attribut du COD ne peut être supprimé sans que le sens de la phrase change.

Exemple : Il a trouvé ce dessert succulent dans un livre de recettes -> n'est pas un attribut du COD mais un adjectif épithète.

On trouve l’attribut du COD après des verbes de jugement (croire, estimer, trouver, juger…), des verbes de désignation (nommer, élire, appeler…) ou des verbes qui expriment une transformation.

Exemple : Le géomètre juge Hélène très belle.
Les Troyens appellent Hélène reine de la beauté.
Cette situation rend Hector furieux.

Attention : L’attribut du COD peut être un adjectif qualificatif, un participe passé ou un groupe nominal : il s’accorde toujours en genre et en nombre avec le COD qu’il qualifie :

Exemple : Hector trouve les guerres cruelles. (féminin, pluriel)


Exercice :

Dans les phrases suivantes, je souligne l’attribut du COD et j'encadre le COD qu’il qualifie.

a) Je trouve cette pièce de Giraudoux intéressante.
b) Certains l’ont jugée diff icile.
c) Cassandre trouve Hélène assez provocante.
d) Pâris parviendra-t-il à la rendre heureuse ?
e) Les Troyens l’ont élue femme de l’année.

Réécriture :

« Tout guerrier que tu es, tu as bien entendu parler des symboles ! Tu as bien rencontré des femmes qui, d’aussi loin que tu les apercevais, te semblaient personnifier l’intelligence, l’harmonie, la douceur ? » (l. 26 à 28)
Je réécris ce passage en remplaçant « tu » par « vous ».




















Synthèse : En quoi peut-on dire que Giraudoux a prémédité la seconde guerre mondiale ?
















Travail d'écriture :

Sujet d'imagination (non noté mais OBLIGATOIRE ): Deux personnages de théâtre évoquent la guerre à venir. L'un d'eux est persuadé qu'il y aura une guerre, l'autre ne le croit pas. Pas de longueur imposée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Seuls les élèves de Madame Polvêche sont autorisés à commenter en notant nom, prénom et classe en haut du commentaire. Tous les commentaires des élèves seront supprimés en fin de confinement. Aucun autre commentaire n'est possible.