Date
:
Séance
4 : La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Jean Giraudoux
Objectifs
: - Étudier la reprise d’un mythe antique – Comprendre
l'absurde – Etude des attributs du COD
Ce
texte est un extrait d’une pièce de Jean Giraudoux, La Guerre de
Troie n’aura pas lieu, écrite en 1935. La scène se situe sur les
terrasses du palais de Troie. Les Troyens attendent une délégation
grecque, venue chercher des explications au sujet de l’enlèvement
d’Hélène par Pâris. Hélène se promène et toute la ville
l’admire. Sont présents sur la scène : Priam et son épouse
Hécube, Hector et Pâris, leurs fils, la devineresse Cassandre,
Demokos, le poète nationaliste ainsi que le Géomètre.
Texte
: La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Jean
Giraudoux acte I, scène 6, de « PRIAM. - Tu la vois ? » à «
HECUBE. - Il pleure, l’idiot. »
PRIAM. –
Tu la vois ?
HECTOR.
– Oui… Et après ?
DEMOKOS.
– Priam te demande ce que tu vois !
HECTOR.
– Je vois une femme qui rajuste sa sandale.
CASSANDRE.
– Elle met un certain temps à rajuster sa sandale.
PÂRIS.
– Je l’ai emportée nue et sans garde-robe. Ce sont des sandales
à toi. Elles sont un peu grandes.
CASSANDRE.
– Tout est grand pour les petites femmes.
HECTOR.
– Je vois deux fesses charmantes.
HÉCUBE.
– Il voit tout ce que vous tous voyez.
PRIAM.
– Mon pauvre enfant !
HECTOR.
– Quoi ?
DEMOKOS.
– Priam te dit : pauvre enfant !
PRIAM. –
Oui, je ne savais pas que la jeunesse de Troie en était là.
HECTOR.
– Où en est-elle ?
PRIAM. –
À l’ignorance de la beauté.
DEMOKOS.
– Et par conséquent de l’amour. Au réalisme, quoi ! Nous
autres poètes appelons cela le réalisme.
HECTOR.
– Et la vieillesse de Troie en est à la beauté et à l’amour ?
HÉCUBE.
– C’est dans l’ordre. Ce ne sont pas ceux qui font l’amour ou
ceux qui sont la beauté qui ont à les comprendre.
HECTOR.
– C’est très courant, la beauté, père. Je ne fais pas allusion
à Hélène, mais elle court les rues.
PRIAM. –
Hector, ne sois pas de mauvaise foi. Il t’est bien arrivé dans la
vie, à l’aspect d’une femme, de ressentir qu’elle n’était
pas seulement elle-même, mais que tout un flux d’idées et de
sentiments avait coulé en sa chair et en prenait l’éclat ?
DEMOKOS.
– Ainsi le rubis personnifie le sang.
HECTOR.
– Pas pour ceux qui ont vu du sang. Je sors d’en prendre.
DEMOKOS.
– Un symbole, quoi ! Tout guerrier que tu es, tu as bien
entendu parler des symboles ! Tu as bien rencontré des femmes
qui, d’aussi loin que tu les apercevais, te semblaient personnifier
l’intelligence, l’harmonie, la douceur ?
HECTOR.
– J’en ai vu.
DEMOKOS.
– Que faisais-tu alors ?
HECTOR.
– Je m’approchais et c’était fini… Que personnifie
celle-là ?
DEMOKOS.
– On te le répète, la beauté.
HÉCUBE.
– Allez, rendez-la vite aux Grecs, si vous voulez qu’elle vous la
personnifie pour longtemps. C’est une blonde.
DEMOKOS.
– Impossible de parler avec ces femmes !
HÉCUBE.
– Alors ne parlez pas des femmes ! Vous n’êtes guère
galants, en tout cas, ni patriotes. Chaque peuple remise son symbole
dans sa femme, qu’elle soit camuse ou lippue. Il n’y a que vous
pour aller le loger ailleurs.
HECTOR.
– Père, mes camarades et moi rentrons harassés. Nous avons
pacifié notre continent pour toujours. Nous entendons désormais
vivre heureux, nous entendons que nos femmes puissent nous aimer sans
angoisse et avoir leurs enfants.
DEMOKOS.
– Sages principes, mais jamais la guerre n’a empêché
d’accoucher.
HECTOR.
– Dis-moi pourquoi nous trouvons la ville transformée, du seul
fait d’Hélène ! Dis-moi ce qu’elle nous a apporté, qui
vaille une brouille avec les Grecs !
LE
GÉOMÈTRE. – Tout le monde te le dira ! Moi je peux te le
dire !
HÉCUBE.
– Voilà le Géomètre !
LE
GÉOMÈTRE. – Oui, voilà le Géomètre ! Et ne crois pas que
les géomètres n’aient pas à s’occuper des femmes ! Ils
sont les arpenteurs aussi de votre apparence. Je ne te dirai pas ce
qu’ils souffrent, les géomètres, d’une épaisseur de peau en
trop à vos cuisses ou d’un bourrelet à votre cou… Eh bien, les
géomètres jusqu’à ce jour n’étaient pas satisfaits de cette
contrée qui entoure Troie. La ligne d’attache de la plaine aux
collines leur semblait molle, la ligne des collines aux montagnes du
fil de fer. Or, depuis qu’Hélène est ici, le paysage a pris son
sens et sa fermeté. Et, chose particulièrement sensible aux vrais
géomètres, il n’y a plus à l’espace et au volume qu’une
commune mesure qui est Hélène. C’est la mort de tous ces
instruments inventés par les hommes pour rapetisser l’univers. Il
n’y a plus de mètres, de grammes, de lieues. Il n’y a plus que
le pas d’Hélène, la portée du regard ou de la voix d’Hélène,
et l’air de son passage est la mesure des vents. Elle est notre
baromètre, notre anémomètre ! Voilà ce qu’ils te disent,
les géomètres.
HÉCUBE.
– Il pleure, l’idiot.
La
reprise d’un mythe antique :
1-
a) Quel grand texte épique de l’Antiquité raconte la guerre de
Troie ? J'entoure la bonne réponse : L’Odyssée – L’Iliade -
L’Énéide
b)
Hélène est-elle : grecque – troyenne – perse ?
c)
Pourquoi se trouve-t-elle à Troie ?
2-
a) Que désigne l’expression employée par Hector : « une brouille
avec les Grecs » (l. 48) ? Quelle en serait la cause ?
b)
Parmi les personnages présents, Hector veut rendre Hélène aux
Grecs afin d’éviter la guerre. Je relève une phrase qui le
montre.
c)
Pour quelles raisons les autres personnages veulent-ils garder Hélène
à Troie ?
3-
a) J'observe le titre de la pièce : La Guerre de Troie n’aura pas
lieu. En quoi ce titre souligne-t-il l’aspect tragique de la
pièce ?
b)
« Ce sont des sandales à toi. » (l. 6) « Je vois deux fesses
charmantes. » (l. 9) « Il pleure, l’idiot. » (l. 53) Dans ces
phrases, le registre de langue employé par les personnages me
semble-t-il correspondre à ce que j'attends d’une tragédie ? Je
justifie.
c)
Dans les attitudes ou les paroles des personnages présents, je
repère un exemple d’effet comique.
d)
Giraudoux écrit sa pièce en 1935. En quoi le thème de la guerre de
Troie est-il particulièrement d’actualité en Europe à ce
moment-là ?
Cours
:
La
reprise des mythes antiques dans le théâtre contemporain.
Dans
la première moitié du XXe siècle, certains auteurs font appel aux
mythes grecs qu’ils
transposent
dans leur époque. La Machine infernale (1933) de Jean Cocteau ou
Antigone
(1944)
de Jean Anouilh puisent leur inspiration dans le mythe d’Œdipe. La
reprise des mythes antiques leur permet d’exprimer les angoisseset
les inquiétudes nées des événements tragiques (guerres, remise en
cause des valeurs humanistes).
Dans
La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Jean Giraudoux donne une
version personnelle du déclenchement de la guerre de Troie. Mais la
réécriture qu’il en propose se teinte d’humour et de
familiarité, mêlant ainsi tragique et comédie.
Analyser
la figure d’Hélène
1-
a) Pour Priam et Demokos, que symbolise Hélène ?
b)
Quel synonyme de « symboliser » est employé dans le texte ?
c)
Parmi les personnages masculins de la scène, lequel n’est pas
vraiment séduit par Hélène ? Je justifie.
d)
« Tout est grand pour les petites femmes. » (l. 8) Que nous apprend
cette phrase de Cassandre sur la manière dont elle considère Hélène
?
2-
a) Quelle phrase d’Hector nous apprend que toute la cité troyenne
a été bouleversée par l’arrivée d’Hélène ?
L’attribut
du COD : emplois et accords
1-
« Dis-moi pourquoi nous trouvons la ville transformée[…] ? » (l.
37)
a)
J'encadre le mot auquel se rapporte le terme « transformée ».
b)
Quelle est la fonction du mot que j'ai encadré ?
c)
Je réécris cette phrase en remplaçant « la ville » par le pronom
personnel qui convient.
Le
mot « transformée » est-il toujours exprimé ?
2-
« Je l’ai emportée nue[…] » (l. 6)
a)
J'encadre le COD dans la phrase.
b)
J'explique l’accord de l’adjectif qualificatif « nue »
COURS
:
L’attribut
du COD : emplois et accords.
• L’attribut
du COD est une fonction qui exprime une caractéristique du COD :
Priam
trouve Hélène (COD) séduisante (Att. du COD).
• L’attribut
du COD fait partie du groupe verbal et non du COD : à la
différence de l’adjectif épithète, l’attribut du COD ne peut
être supprimé sans que le sens de la phrase change.
Exemple
: Il a trouvé ce dessert succulent dans un
livre de recettes -> n'est pas un attribut du COD mais un
adjectif épithète.
• On
trouve l’attribut du COD après des verbes de jugement
(croire, estimer, trouver, juger…), des verbes de désignation
(nommer, élire, appeler…) ou des verbes qui expriment une
transformation.
Exemple
: Le géomètre juge Hélène très belle.
Les
Troyens appellent Hélène reine de la beauté.
Cette
situation rend Hector furieux.
Attention
: L’attribut du
COD peut être un adjectif qualificatif, un participe passé ou un
groupe nominal : il s’accorde toujours en genre et en nombre avec
le COD qu’il qualifie :
Exemple
: Hector trouve les guerres cruelles.
(féminin, pluriel)
Exercice
:
Dans
les phrases suivantes, je souligne l’attribut du COD et j'encadre
le COD qu’il qualifie.
a)
Je trouve cette pièce de Giraudoux intéressante.
b)
Certains l’ont jugée diff icile.
c)
Cassandre trouve Hélène assez provocante.
d)
Pâris parviendra-t-il à la rendre heureuse ?
e)
Les Troyens l’ont élue femme de l’année.
Réécriture
:
«
Tout guerrier que tu es, tu as bien entendu parler des symboles ! Tu
as bien rencontré des femmes qui, d’aussi loin que tu les
apercevais, te semblaient personnifier l’intelligence, l’harmonie,
la douceur ? » (l. 26 à 28)
Je
réécris ce passage en remplaçant « tu » par « vous ».
Synthèse
:
En quoi peut-on
dire que Giraudoux a prémédité la seconde guerre mondiale ?
Travail
d'écriture :
Sujet
d'imagination (non noté mais OBLIGATOIRE ):
Deux personnages de théâtre évoquent la guerre à venir. L'un
d'eux est persuadé qu'il y aura une guerre, l'autre ne le croit pas.
Pas de longueur imposée.
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