Les
registres :
Le choix par l'auteur du registre d'un texte dépend de
l'effet qu'il recherche et du sentiment qu'il veut susciter chez le
lecteur. « Registres » et « tons » sont des
synonymes.
I – Les
registres de l'argumentation :
- Le
registre polémique :
controverse vivement ou agressivement la thèse adverse.
Procédés :
-
Dévalorisation des opinions de l'autre par un lexique péjoratif,
recours à la 3ème pers (indéfinis « on », « il »)
-
Exclamations, exagérations, apostrophes.
-
Ironie : dire le contraire de ce que l'on pense ou feindre
d'approuver les idées d'autrui.
Exemple :
Montesquieu,
De l'esprit des lois,
« De l'esclavage des nègres » : Si j'avais à
soutenir le droit de rendre les nègres esclaves, voici ce que je
dirais (…) Ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible
de les plaindre. »
- Le
registre pathétique :
propre à éveiller la compassion, la pitié, une forme
d'attendrissement, de tristesse ou de sympathie.
Procédés :
- Champ lexical de la douleur, de la souffrance.
- Choix d'un point de vue subjectif (recours au « je »),
interpellation du destinataire (apostrophes), exclamations.
- Figures d'insistance (répétitions, anaphores,
hyperboles).
Exemple :
Antoine-François
Prévost, Manon Lescaux :
« Vous dirai-je quel fut le déplorable sujet de mes
entretiens avec Manon pendant cette route ? Ah ! Les
expressions ne rendent jamais qu'à demi les sentiments du cœur ! »
-
Le registre lyrique :
qui exprime les sentiments du locuteur (celui qui parle) pour les
faire partager au lecteur, créant un lien d'intimité sous forme de
confidence.
Procédés :
- Champ lexical des sentiments.
- Présence des marques de la première personne.
- Recours aux images (métaphores, comparaisons), appel
à l'imagination.
Exemple :
Ronsard, Odes,
« Mignonne, allons voir si la rose » : « Donc,
si vous m'en croyez, mignonne (…) Cueillez, cueillez votre
jeunesse : comme à cette fleur la vieillesse fera ternir votre
beauté. »
-
Le registre comique :
qui provoque l'amusement, le sourire ou le rire selon les procédés
utilisés.
Procédés :
- Recours aux jeux de mots, à l'art du double sens, du
sous-entendu.
- Développement d'une connivence avec le lecteur,
anecdotes, familiarités.
- Usage de caricatures, pastiches, parodies.
- Volonté de surprendre, rupture.
Exemple :
Montesquieu,
Lettres persanes,
lettre 24 : « Ce magicien s'appelle le Pape. Tantôt il
fait croire que 3 ne font qu'1, que le pain qu'on mange n'est pas du
pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin, et milles autres
choses de cette espèce. »
-
Le registre laudatif :
fait l'éloge de quelqu'un ou d'une thèse.
Procédés :
- Lexique mélioratif, hyperboles.
- Phrases amples (périodes), répétitions,
exclamations, énumérations, procédés d'insistance.
Exemple :
Baudelaire,
Le Spleen de Paris,
« Le Crépuscule du soir » : « Ô nuit !
Ô rafraîchissantes ténèbres ! Vous êtes pour moi le signal
d'une fête intérieure, vous êtes la délivrance d'une angoisse ! »
-
Le registre didactique :
délivre un enseignement, donne une leçon qui restera dans les
mémoires.
Procédés :
- Syntaxe simple, absence de ponctuation affective,
structure claire et apparente.
- Souci de vulgarisation : exemples concrets qui
illustrent le discours abstrait.
- Point de vue apparemment objectif, volonté de
neutralité.
Exemple :
Ionesco,
La Cantatrice Chauve,
1 : « Mme Smith : Le docteur Mackenzie-King est un
bon médecin. On peut avoir confiance en lui. Il ne recommande jamais
d'autres médicaments que ceux dont il a fait l'expérience sur
lui-même. »
II – Les registres tragique et épique :
- Le registre tragique :
où l'émotion suscitée est en relation avec la prise de conscience
du destin, de la fatalité, du caractère inévitable de la mort.
Procédés :
- Le héros subit l'action, il apparaît comme une
victime privée de liberté : il est COD ou sujet de forme
passive.
- Alternance de phrases longues et courtes.
- Ponctuation expressive.
- Hyperboles.
DIFFERENCE AVEC LE REGISTRE PATHETIQUE : Les
situations décrites sont inéluctables : le personnage ne peut
éviter les événements, il ne peut donc défendre aucune thèse.
Exemple :
Corneille,
Le Cid, I, 6 :
« Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme, ou de vivre
en infâme, des deux côtés mon mal est infini. »
- Le registre épique :
qui exalte, par le représentation d'un individu ou d'un groupe, les
valeurs d'une collectivité, d'une société.
Procédés :
- Emploi de termes au pluriel (les hommes) ou de
singuliers collectifs (la foule)
- Insiste sur la cohésion, les ressemblances entre les
individus d'un même groupe : lexique de l'uniformité, de
l'union.
- Description qui insiste sur la force, le pouvoir, la
violence destructrice.
- Figures de style fréquentes : comparaisons,
images, hyperboles.
- Élargissement de la scène vers une évocation de
l'univers, des forces naturelles, du merveilleux.
Exemple :
Homère,
Odyssée, chant V :
« Pendant dix-sept jours, il vogua sur les routes du large ;
le dix-huitième enfin, les monts de Phéacie et leurs bois
apparurent : la terre était tout près, bombant son bouclier
sur la brume des mers. »